vendredi 6 juin 2014

Chemin Inca

Jour 1
Nous quittons Ollantaytambo pour la marche de 4 jours sur le Chemin de l'Inca en compagnie d'Edison notre guide de la compagnie Mayuc, Sergio le cuisinier, Bill un américain et 6 porteurs âgés de 18 à 48 ans.  Pauline a l'air de Tintin au Pérou avec ses pantalons trois-quarts, ses grosses bottes de marche et ses bas de laine.  Nous laissons à l'hôtel des sacs contenant les achats que nous avons faits dans les marchés de Pisac et Chinchero et nous les reprendrons à notre retour.  Nous sommes un peu anxieuses face au défi qui nous attend.  Cependant nous restons positives et notre plan de match est de marcher lentement, à notre rythme, à l'aide des deux bâtons de marche que nous nous sommes procurés au marché d'Ollantaytambo. 


Nous débutons le sentier à Piskachucho au km 82 vers 12h30; nous sommes à 2600 mètres d'altitude.  Aujourd'hui notre trajet est considéré facile en comparaison avec l'ensemble du sentier.  La piste est bordée de cactus, d'arbres de campanules et longe la rivière Urubamba sur une bonne distance.  Les porteurs chargés de leurs lourds fardeaux, car ils transportent équipement de camping, nourriture et bagages, nous dépassent à pas rapides.  Ils sont chaussés de simples sandales et se dépêchent à arriver aux sites de camping afin d'istaller les tentes pour les voyageurs et le guide, la tente cuisine et la tente toilette

Pauline, Bill et Patricia


Nous nous arrêtons face aux ruines d'un poste de services (tambo) qui était utilisé par les Incas pour desservir les voyageurs qui se déplaçaient de Cuzco à Machu Picchu à travers les montagnes.  On retrouve ce genre de poste à chaque 10 à 12 kilomètres.

Après une longue montée, nous nous arrêtons pour admirer la montagne Véronica couronnée de neige et émergeant des nuages.  Nous en profitons pour reprendre notre souffle et reposer nos jambes.  Nous croisons sur la piste des villageois besognant près de leurs maisons et d’autres avec leurs mulets chargés de victuailles achetées au village le plus proche ou à la station de train.


Nous arrivons finalement aux ruines de la forteresse inca Llactapata qui est située dans un endroit stratégique surplombant la vallée.  Après tous les efforts effectués pour gravir ces quelques centaines de mètres, nous nous engageons dans une longue descente qui nous conduit jusqu'à notre site de camping situé dans la cour d'une famille dans le minuscule village Tarayuc.  Le site est très joli et la vue de nos petites tentes ainsi que de nos matelas de sol et sacs de couchage déjà installés nous réjouit.  Près de la tente cuisine, la table est déjà mise et un breuvage chaud ainsi que du pop corn fraîchement préparé nous attend tandis que Sergio, notre cuisinier, s’affaire à préparer le repas du soir.  C'est du camping de luxe !!  Notre souper est servi sous la tente à 18h30 et déjà il fait nuit.  Avant d'aller dormir (il est 19h30), nous observons les milliers d'étoiles et la voie lacté qui ornent le ciel et nous souhaitons bonne nuit aux 5 vaches qui dorment près de nous. Nous avons parcouru 7 km et avons marché durant 3h30.

Forteresse Llactapata

Sergio, notre cuisinier
Jour 2 
L'assistant-cuisinier/serveur de table nous réveille à 6h avec une tasse de maté de coca. Il porte au poignet une large bande élastique bleue qui attachait mes bâtons de marche hier et que j'avais perdue de vue. La feuille de coca, de laquelle on peut extraire la cocaïne, est aussi très riche en calcium et facilite la respiration en haute altitude.

Après avoir dégusté une délicieuse omelette aux tomates et au fromage, nous faisons nos adieux à la petite famille qui nous a accueillis et nous quittons le campement vers 7h30. Nous avons devant nous un trajet de 12 kilomètres avec 1000 mètres de montée (de 2800 à 3800 mètres). En quittant le village, nous passons près d'un flan de montagne entièrement de bromélias.


Nous apercevons ici et là des villages dans la vallée. Il n'y a pas d'électricité et les gens vivent des produits de la terre, surtout des patates, des céréales et du maïs. Ils ont aussi quelques animaux: vaches, cochons, poules, moutons. Nous prenons une pause dans le dernier village le long de la piste, Wayllabamba. Le cuisinier et les porteurs y sont déjà, en train de boire de la chicha, une bière de maïs, ce qui leur donne de l'énergie pour continuer leur route. Patricia fait la brave et en commande un verre. Le guide la met en garde car cette boisson continue de fermenter dans l'estomac et peut rendre malade lorsqu'on n'y est pas habitué.

3 de nos porteurs
Après 4 heures de marche, nous arrivons à notre emplacement du dîner.  Les porteurs ont déjà monté la tente et le cuisinier est à l'oeuvre.  Au menu: soupe aux fèves et légumes, salade de pâtes, tomates et concombres tranchés, guacamole avec pain et biscottes. Assises à table dans la tente cuisine, bien à l'abri du vent, nous faisons cocottes de luxe sur le Chemin de l'Inca.

Après un repos d'une heure et demie, nous reprenons la route.  Patricia et moi sommes les deux tortues du groupe et je suis encore plus tortue qu'elle.  A très haute altitude, nous manquons d'oxygène.  Nous traversons une forêt humide et observons plusieurs fleurs le long de la piste dont la Yurac-llaulli, une fleur rose qui attire les oiseaux mouches. 

Vers 15h00, nous apercevons notre campement situé dans un champ où broutent des alpacas et des lamas à 3800 mètres d'altitude.  La fatigue se fait sentir et plutôt que de contourner les petits tas de crotte, nous marchons dedans. 
Alpacas et lamas
Nous demandons à Edison si nous pouvons utiliser la tente-toilette pour se laver.  Les porteurs sortent la toilette portative et nous apportent des bols d'eau chaude.  Quel luxe car le vent est glacial.  La tente-toilette n'a pas de fond et même s'il faut se balancer sur un pied puis sur l'autre pour éviter de poser les pieds par terre, ce petit lavage à la mitaine est grandement apprécié.

Au menu ce soir: soupe au maïs, poulet en sauce avec légumes, purée de patates et tranches de bananes dans une sauce au chocolat. Miam-Miam! que c’est bon.

A 19h30 nous nous mettons au lit avec chaussettes aux pieds et tuque sur la tête car il fait très froid à cette altitude.

Notre tente-toilette
Jour 3
Notre 3e journée dans le chemin de l'Inca débute sour la pluie et dans la brume. La nuit a été très froide et il n'était pas question que je sorte de mon sac de couchage pour un pipi nocturne.  Seulement Pauline a eu le courage de le faire. 

Ce matin Sergio nous prépare du gruau aux pommes.  Nous en redemandons afin d'avoir le plus d'énergie possible pour la longue et difficile journée qui nous attend.  Nous traverserons 3 cols dont le plus haut, le Dead Woman,  qui a la forme d'une femme couchée, est à 4200 mètres d'altitude. 

Les porteurs dans la montagne
Sur le sentier, à quelques mètres du campement, une multitude d'oiseaux mouches viennent se nourrir dans de jolies petites fleurs rouges et bleues.  À cette altitude il n'y a pas d'arbres mais le sentier est bordé d'herbe à longue tige (ichu) dont les alpacas et les lamas se nourrissent.  Les habitants se servent aussi de cette herbe pour fabriquer le toit des maisons. 


Nous montons lentement vers le col Dead Woman en nous appuyant sur nos bâtons de marche.  Notre respiration devient difficile et nous faisons beaucoup de pauses.  Nous atteignons enfin le col et notre joie est à la hauteur de notre fierté.  La montée de 400 mètres sur des marches souvent faites pour des géants nous a pris 1h45.  Lors de notre approche du col, Edison et Bill voient la silhouette d'un sein et son mamelon, tandis que Pauline et moi voyons la tête de la femme morte, son nez, son cou et ses mains croisées sur son abdomen.  Ceci en dit long sur l'obsession des hommes ...


Puis nous débutons une descente de 600 mètres dans la brume et la pluie, choisissant avec soin chaque marche où poser nos pieds car les roches sont très glissantes. 

Pendant ce temps, les porteurs gambadent sur les roches, toujours pressés de se rendre au prochain point d'arrêt des voyageurs.  Il arrive qu'on les voit appuyés sur un rocher en train de machouiller des feuilles de coca afin de se donner de l'énergie.

Patricia en arrache
Nous approchons du campement Paqaymayu où Sergio et son assistant nous attendent sous la tente-cuisine avec un bon potage aux pommes de terre et des boissons chaudes.  Nous adorons Sergio!!

Après cet arrêt de 30 minutes, nous débutons une montée abrupte vers le 2e col (4000 mètres) par des marches très étroites et inégales.  Dans la montagne, un joueur de flûte agrémente notre marche; c'est probablement un guide accompagnant un autre groupe de randonneurs.  A chaque fois que Pauline voit des fleurs, elle s'arrête pour les admirer et les photographier; j'aime bien ces interludes qui me permettent de me reposer.


Vers 15h00, nous faisons un autre arrêt de 30 minutes.  Sergio nous sert sous la tente, car il pleut toujours, du riz aux légumes et jambon accompagné de patates douces en sauce ainsi qu'une salade de tomates et concombres.  Ce délicieux repas nous donne l'énergie nécessaire pour traverser le 3e col à 3670 mètres.

Un peu après les ruines de Phuyupatamarka, nous arrivons enfin à notre campement à 17h30, après 9 heures de marche, bien fatiguées et toujours sous la pluie.  Ce site est supposé être le plus beau de tous mais il est très difficile de l'apprécier car nous sommes encore dans la brume.  Dans la tente-cuisine, Sergio nous attend avec une bonne soupe et du spaghetti à la sauce aux champignons.  Ce soir les porteurs se joignent à nous sous la tente pour se protéger de la pluie.  Ils sont tous recroquevillés les uns contre les autres et quelques-uns sont même assoupis la tête appuyée sur le dos de leur voisin. Edison nous raconte des histoires d'amour entre des voyageuses et des porteurs.

Notre campement pour la nuit
En retournant à nos tentes Pauline et moi, qui avions loué des sacs de couchage, constatons qu'ils sont tout mouillés.  Les porteurs ne les avaient pas bien protégés de la pluie.  Une nuit très humide nous attend sous notre tente détrempée.  Vers 4h00 du matin, Pauline descend la petite côte vaseuse et glissante menant à la tente-toilette et constate que l'emplacement est vide.  Hier soir, après notre coucher, le guide l'avait fait déménager à un endroit plus propice.  Pauline doit donc partir à la recherche de la toilette à l'aide de sa petite lampe de tête.

Jour 4
À  4h30 du matin, quel courage!!,  nous faisons nos exercices d'étirement dans notre tente, histoire de se mettre en forme pour la longue descente de 1200 mètres qui nous attend aujourd'hui.   À 5h,  réveil officiel avec une tasse de mate de coca que vient nous porter l’assistant de Sergio. Nous nous dirigeons ensuite vers la tente-cuisine où un déjeuner aux crêpes nous attend.   Le jour se lève doucement derrière les montagnes et les nuages qui flottent plus bas dans la vallée se dissipent peu à peu. 


Après quoi, nous remettons les enveloppes, contenant des pourboires pour les porteurs et le cuisinier, que nous avions préparé la veille avec des feuilles de notre journal de voyage. C’est la fête, tout le monde est très joyeux et se prête gentiment à une séance de photos. Nos porteurs viennent tous du village indien Willoc.  Les porteurs mènent une vie très dure  et vivent rarement passé la soixantaine.  Toutefois, une réglementation interdit de leur faire porter une charge de plus de 25 kilos.

Nos porteurs, le cuisinier et le guide
À 6h15,  nous sommes déjà en route.  Le ciel est nuageux mais la pluie a cessé. Peu après notre départ, nous visitons les ruines incas de Phuyupatamarka (la ville au-dessus des nuages -  3600 mètres), un poste de relais pour les voyageurs ainsi qu'un poste de garde.   On sait que les Espagnols ne sont pas venus jusque-là car ils détruisaient tout sur leur passage pour forcer les populations indiennes à s'établir dans les villes et villages autour des églises afin de les convertir.  Le système de canalisation d'eau et les fontaines de  ce site fonctionnent encore aujourd'hui.

Les ruines incas de Phuyupatamarka

Nous descendons, dans la forêt humide et dense,  d'inombrables  escaliers aux marches  inégales et souvent très glissantes. Edison nous dit que du site de camping que nous venons de quitter (3600 mètres) à Winay Wayna  (2700 mètres), il y a environ 3000  marches.  C'est peu réjouissant pour les genoux mais le paysage est un grand festin pour les yeux.  Tout  le long de la piste, nous voyons de nombreuses  fleurs exotiques, des orchidées sauvages et des arbres recouverts de grappes de fleurs jaune vif  (Waranway).

Encore deux heures de descente et nous arrivons au col d'Intipunku, la « Porte du Soleil ». Machu Pichu nous apparaît pour la première fois dans toute sa splendeur, entourée de montagnes de verdure  et de pics enneigés. Plusieurs personnes, montées de Machu Pichu vers ce col,  sont assises sur les terrasses en contemplation, dans un calme et un silence révérentiels.
Nous amorçons ensuite la descente finale vers Machu Pichu située à 2400 mètres d'altitude. Après avoir franchi toutes ces marches, nous avons l'impression de traîner notre corps.

Patricia et Pauline à la Porte du Soleil de Machu Picchu

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