Nous quittons Ollantaytambo pour la marche de 4 jours sur le Chemin de l'Inca en compagnie d'Edison notre guide de la compagnie Mayuc, Sergio le cuisinier, Bill un américain et 6 porteurs âgés de 18 à 48 ans. Pauline a l'air de Tintin au Pérou avec ses pantalons trois-quarts, ses grosses bottes de marche et ses bas de laine. Nous laissons à l'hôtel des sacs contenant les achats que nous avons faits dans les marchés de Pisac et Chinchero et nous les reprendrons à notre retour. Nous sommes un peu anxieuses face au défi qui nous attend. Cependant nous restons positives et notre plan de match est de marcher lentement, à notre rythme, à l'aide des deux bâtons de marche que nous nous sommes procurés au marché d'Ollantaytambo.
Nous débutons le sentier à Piskachucho au km 82 vers 12h30; nous sommes
à 2600 mètres d'altitude. Aujourd'hui notre trajet est considéré facile
en comparaison avec l'ensemble du sentier. La piste est bordée de cactus,
d'arbres de campanules et longe la rivière Urubamba sur une bonne distance.
Les porteurs chargés de leurs lourds fardeaux, car ils transportent équipement
de camping, nourriture et bagages, nous dépassent à pas rapides. Ils sont
chaussés de simples sandales et se dépêchent à arriver aux sites de camping
afin d'istaller les tentes pour les voyageurs et le guide, la tente cuisine et
la tente toilette
Pauline, Bill et Patricia |
Nous nous arrêtons
face aux ruines d'un poste de services (tambo) qui était utilisé par les Incas
pour desservir les voyageurs qui se déplaçaient de Cuzco à Machu Picchu à
travers les montagnes. On retrouve ce genre de poste à chaque 10 à 12
kilomètres.
Après une longue
montée, nous nous arrêtons pour admirer la montagne Véronica couronnée de neige
et émergeant des nuages. Nous en profitons pour reprendre notre souffle
et reposer nos jambes. Nous croisons sur la piste des villageois besognant
près de leurs maisons et d’autres avec leurs mulets chargés de victuailles
achetées au village le plus proche ou à la station de train.
Nous
arrivons finalement aux ruines de la forteresse inca Llactapata qui est située
dans un endroit stratégique surplombant la vallée. Après tous les efforts
effectués pour gravir ces quelques centaines de mètres, nous nous engageons
dans une longue descente qui nous conduit jusqu'à notre site de camping situé
dans la cour d'une famille dans le minuscule village Tarayuc. Le site est
très joli et la vue de nos petites tentes ainsi que de nos matelas de sol et
sacs de couchage déjà installés nous réjouit. Près de la tente cuisine,
la table est déjà mise et un breuvage chaud ainsi que du pop corn fraîchement
préparé nous attend tandis que Sergio, notre cuisinier, s’affaire à
préparer le repas du soir. C'est du camping de luxe !! Notre souper
est servi sous la tente à 18h30 et déjà il fait nuit. Avant d'aller
dormir (il est 19h30), nous observons les milliers d'étoiles et la voie lacté
qui ornent le ciel et nous souhaitons bonne nuit aux 5 vaches qui dorment près
de nous. Nous avons parcouru 7 km et avons marché durant 3h30.
Forteresse Llactapata |
Sergio, notre cuisinier |
Jour 2
L'assistant-cuisinier/serveur
de table nous réveille à 6h avec une tasse de maté de coca. Il porte au poignet
une large bande élastique bleue qui attachait mes bâtons de marche hier et que
j'avais perdue de vue. La feuille de coca, de laquelle on peut extraire la
cocaïne, est aussi très riche en calcium et facilite la respiration en haute
altitude.
Après avoir dégusté une délicieuse omelette aux
tomates et au fromage, nous faisons nos adieux à la petite famille qui nous a
accueillis et nous quittons le campement vers 7h30. Nous avons devant nous un
trajet de 12 kilomètres avec 1000 mètres de montée (de 2800 à 3800 mètres). En
quittant le village, nous passons près d'un flan de montagne entièrement de
bromélias.
Nous
apercevons ici et là des villages dans la vallée. Il n'y a pas d'électricité et
les gens vivent des produits de la terre, surtout des patates, des céréales et
du maïs. Ils ont aussi quelques animaux: vaches, cochons, poules, moutons. Nous
prenons une pause dans le dernier village le long de la piste, Wayllabamba. Le
cuisinier et les porteurs y sont déjà, en train de boire de la chicha, une
bière de maïs, ce qui leur donne de l'énergie pour continuer leur route.
Patricia fait la brave et en commande un verre. Le guide la met en garde car
cette boisson continue de fermenter dans l'estomac et peut rendre malade
lorsqu'on n'y est pas habitué.
3 de nos porteurs |
Après
4 heures de marche, nous arrivons à notre emplacement du dîner. Les
porteurs ont déjà monté la tente et le cuisinier est à l'oeuvre. Au menu:
soupe aux fèves et légumes, salade de pâtes, tomates et concombres tranchés,
guacamole avec pain et biscottes. Assises à table dans la tente cuisine, bien à
l'abri du vent, nous faisons cocottes de luxe sur le Chemin de l'Inca.
Après
un repos d'une heure et demie, nous reprenons la route. Patricia et moi
sommes les deux tortues du groupe et je suis encore plus tortue qu'elle.
A très haute altitude, nous manquons d'oxygène. Nous traversons une forêt
humide et observons plusieurs fleurs le long de la piste dont la Yurac-llaulli,
une fleur rose qui attire les oiseaux mouches.
Vers 15h00, nous apercevons notre campement
situé dans un champ où broutent des alpacas et des lamas à 3800 mètres
d'altitude. La fatigue se fait sentir et plutôt que de contourner les
petits tas de crotte, nous marchons dedans.
Alpacas et lamas |
Nous demandons à
Edison si nous pouvons utiliser la tente-toilette pour se laver. Les
porteurs sortent la toilette portative et nous apportent des bols d'eau
chaude. Quel luxe car le vent est glacial. La tente-toilette n'a
pas de fond et même s'il faut se balancer sur un pied puis sur l'autre pour
éviter de poser les pieds par terre, ce petit lavage à la mitaine est
grandement apprécié.
Au menu ce soir:
soupe au maïs, poulet en sauce avec légumes, purée de patates et tranches de
bananes dans une sauce au chocolat. Miam-Miam! que c’est bon.
A 19h30 nous nous
mettons au lit avec chaussettes aux pieds et tuque sur la tête car il fait très
froid à cette altitude.
Notre tente-toilette |
Jour 3
Notre
3e journée dans le chemin de l'Inca débute sour la pluie et dans la brume. La
nuit a été très froide et il n'était pas question que je sorte de mon sac de
couchage pour un pipi nocturne. Seulement Pauline a eu le courage de le
faire.
Ce matin Sergio nous prépare du gruau aux
pommes. Nous en redemandons afin d'avoir le plus d'énergie possible pour
la longue et difficile journée qui nous attend. Nous traverserons 3 cols
dont le plus haut, le Dead Woman, qui a la forme d'une femme couchée, est
à 4200 mètres d'altitude.
Les porteurs dans la montagne |
Sur
le sentier, à quelques mètres du campement, une multitude d'oiseaux mouches
viennent se nourrir dans de jolies petites fleurs rouges et bleues. À
cette altitude il n'y a pas d'arbres mais le sentier est bordé d'herbe à longue
tige (ichu) dont les alpacas et les lamas se nourrissent. Les habitants
se servent aussi de cette herbe pour fabriquer le toit des maisons.
Nous
montons lentement vers le col Dead Woman en nous appuyant sur nos bâtons de
marche. Notre respiration devient difficile et nous faisons beaucoup de
pauses. Nous atteignons enfin le col et notre joie est à la hauteur de
notre fierté. La montée de 400 mètres sur des marches souvent faites pour
des géants nous a pris 1h45. Lors de notre approche du col, Edison et
Bill voient la silhouette d'un sein et son mamelon, tandis que Pauline et moi
voyons la tête de la femme morte, son nez, son cou et ses mains croisées sur
son abdomen. Ceci en dit long sur l'obsession des hommes ...
Puis
nous débutons une descente de 600 mètres dans la brume et la pluie, choisissant
avec soin chaque marche où poser nos pieds car les roches sont très
glissantes.
Pendant
ce temps, les porteurs gambadent sur les roches, toujours pressés de se rendre
au prochain point d'arrêt des voyageurs. Il arrive qu'on les voit appuyés
sur un rocher en train de machouiller des feuilles de coca afin de se donner de
l'énergie.
Patricia en arrache |
Nous approchons du
campement Paqaymayu où Sergio et son assistant nous attendent sous la
tente-cuisine avec un bon potage aux pommes de terre et des boissons
chaudes. Nous adorons Sergio!!
Après cet arrêt de 30 minutes, nous débutons une montée abrupte vers le
2e col (4000 mètres) par des marches très étroites et inégales. Dans la
montagne, un joueur de flûte agrémente notre marche; c'est probablement un
guide accompagnant un autre groupe de randonneurs. A chaque fois que
Pauline voit des fleurs, elle s'arrête pour les admirer et les photographier;
j'aime bien ces interludes qui me permettent de me reposer.
Vers 15h00, nous faisons un autre arrêt de 30 minutes. Sergio
nous sert sous la tente, car il pleut toujours, du riz aux légumes et jambon
accompagné de patates douces en sauce ainsi qu'une salade de tomates et
concombres. Ce délicieux repas nous donne l'énergie nécessaire pour
traverser le 3e col à 3670 mètres.
Un peu après les
ruines de Phuyupatamarka, nous arrivons enfin à notre campement à 17h30, après
9 heures de marche, bien fatiguées et toujours sous la pluie. Ce site est
supposé être le plus beau de tous mais il est très difficile de l'apprécier car
nous sommes encore dans la brume. Dans la tente-cuisine, Sergio nous
attend avec une bonne soupe et du spaghetti à la sauce aux champignons.
Ce soir les porteurs se joignent à nous sous la tente pour se protéger de la
pluie. Ils sont tous recroquevillés les uns contre les autres et
quelques-uns sont même assoupis la tête appuyée sur le dos de leur voisin.
Edison nous raconte des histoires d'amour entre des voyageuses et des porteurs.
Notre campement pour la nuit |
En retournant à nos
tentes Pauline et moi, qui avions loué des sacs de couchage, constatons qu'ils
sont tout mouillés. Les porteurs ne les avaient pas bien protégés de la
pluie. Une nuit très humide nous attend sous notre tente détrempée.
Vers 4h00 du matin, Pauline descend la petite côte vaseuse et glissante
menant à la tente-toilette et constate que l'emplacement est vide. Hier
soir, après notre coucher, le guide l'avait fait déménager à un endroit plus
propice. Pauline doit donc partir à la recherche de la toilette à
l'aide de sa petite lampe de tête.
Jour 4
À 4h30
du matin, quel courage!!, nous faisons nos exercices d'étirement dans
notre tente, histoire de se mettre en forme pour la longue descente de
1200 mètres qui nous attend aujourd'hui. À 5h, réveil
officiel avec une tasse de mate de coca que vient nous porter l’assistant
de Sergio. Nous nous dirigeons ensuite vers la tente-cuisine où
un déjeuner aux crêpes nous attend. Le jour se lève
doucement derrière les montagnes et les nuages qui flottent plus bas dans la
vallée se dissipent peu à peu.
Après
quoi, nous remettons les enveloppes, contenant des pourboires pour les porteurs
et le cuisinier, que nous avions préparé la veille avec des feuilles de notre
journal de voyage. C’est la fête, tout le monde est très joyeux et se prête
gentiment à une séance de photos. Nos porteurs viennent tous du village indien
Willoc. Les porteurs mènent une vie très dure et vivent
rarement passé la soixantaine. Toutefois, une réglementation
interdit de leur faire porter une charge de plus de 25 kilos.
Nos porteurs, le cuisinier et le guide |
À 6h15, nous
sommes déjà en route. Le ciel est nuageux mais la pluie a cessé. Peu
après notre départ, nous visitons les ruines incas de Phuyupatamarka (la
ville au-dessus des nuages - 3600 mètres), un poste de
relais pour les voyageurs ainsi qu'un poste de garde. On sait
que les Espagnols ne sont pas venus jusque-là car ils détruisaient tout sur
leur passage pour forcer les populations indiennes à s'établir dans les villes
et villages autour des églises afin de les convertir. Le système de
canalisation d'eau et les fontaines de ce site fonctionnent encore
aujourd'hui.
Les ruines incas de Phuyupatamarka |
Nous
descendons, dans la forêt humide et
dense, d'inombrables escaliers aux
marches inégales et souvent très glissantes. Edison nous dit
que du site de camping que nous venons de quitter (3600 mètres)
à Winay Wayna (2700 mètres), il y a environ 3000
marches. C'est peu réjouissant pour les genoux mais le paysage est
un grand festin pour les yeux. Tout le long de la piste, nous
voyons de nombreuses fleurs exotiques, des orchidées sauvages et des
arbres recouverts de grappes de fleurs jaune vif (Waranway).
Encore deux heures de descente
et nous arrivons au col d'Intipunku, la « Porte du
Soleil ». Machu Pichu nous apparaît pour la première fois dans toute sa
splendeur, entourée de montagnes de verdure et de pics enneigés.
Plusieurs personnes, montées de Machu Pichu vers ce col, sont assises sur
les terrasses en contemplation, dans un calme et un silence révérentiels.
Nous amorçons ensuite la descente finale vers Machu Pichu située à 2400 mètres d'altitude. Après avoir franchi toutes ces marches, nous avons l'impression de traîner notre corps.
Nous amorçons ensuite la descente finale vers Machu Pichu située à 2400 mètres d'altitude. Après avoir franchi toutes ces marches, nous avons l'impression de traîner notre corps.
Patricia et Pauline à la Porte du Soleil de Machu Picchu |
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