dimanche 8 juin 2014

Cuzco et la Vallée Sacrée

Nous arrivons à Cuzco vers 14h30; un taxi nous attend à la sortie de l'aéroport pour nous conduire à l'hôtel Rumi Punku dont le nom signifie "porte de pierre" en Quechua.  Quelle  agréable surprise!!  Ce charmant petit hôtel, situé à quelques rues au nord-est de la Plaza de Armas, est aménagé dans une ancienne demeure coloniale.  On y retrouve plusieurs terrasses et petits jardins.  Perchés sur le toit près d'une terrasse, deux taureaux en céramique, symbole de chance et de prospérité, gardent les lieux.  Le personnel nous accueille chaleureusement et nous offre un mate de coca, thé aux feuilles de coca, qui a la propriété d’alléger les malaises dus à l'altitude;  nous venons de passer, en une heure, de quelques centaines de mètres d'altitude à 3400 mètres.  La respiration est plus laborieuse et il faut ralentir le pas considérablement, le temps de s'acclimater.



Nous partons à pied explorer la ville, par les petites rues en pente et en escalier.  Nous nous arrêtons à un petit restaurant, désert à cette heure de la journée, où les propriétaires nous servent avec beaucoup d’empressement une délicieuse soupe « Sopa Criolla » qui est une spécialité du pays. Nous arrivons bientôt à la Plaza de Armas et nous tombons sous le charme de ses arcades, de ses balcons de bois et de la vue majestueuse des Andes qui se dessinent en arrière-plan. Nous passons sous les portiques où boutiques, restaurants, agences de voyage et hôtels se succèdent et occasionnent inévitablement le flot incessant de solliciteurs offrant leurs services et produits.





Le calme porte à la réflexion.  Nous avons tellement aimé le nord du Pérou que nous faisons les arrangements nécessaires dans une agence de voyage pour remplacer la visite des sites très touristiques Pisco et Nazca par un séjour à Cajamarca, la Cuzco du Nord.

Nous terminons la soirée au restaurant A mi Manera charmées par la « Musica de los Andes » d’un groupe de musiciens, dans leurs atours traditionnels.   La nourriture est excellente et nous nous promettons bien d’y revenir à notre retour de Machu Picchu.


Restaurant A Mi Manera
Le lendemain nous partons en excursion dans la Vallée Sacrée avec un groupe de touristes.   À notre grande déception, c'est un groupe de 40 personnes.  L'expérience n'est pas très agréable car les sites visités sont fréquentés par de nombreux groupes et nous sommes toujours à la queue leu leu, groupe après groupe.  Notre guide, malgré toute sa bonne volonté, a peine à rassembler son monde pour donner les explications.  Nous voyons quand même des paysages grandioses, des champs cultivés, des cultures en terrasses, de hauts sommets dont deux couverts de neige et considérés comme lieux sacrés par les Incas. 

La Vallée Sacrée

Culture en terrasses dans la Vallée Sacrée
Lors d'un arrêt de 35 minutes au marché de Pisac, Patricia réussit à se perdre pendant que je fais une pause pipi.  Je pars donc à sa recherche avec notre guide Pilar, qui crie son nom dans tous les recoins du marché.  Patricia est bien soulagée quand elle nous aperçoit.  Il faut dire qu'il n'est pas facile de s'orienter dans les grands marchés.  On retrouve à peu près les mêmes produits dans tous les étals et on a peine à reconnaître par quelle ruelle on a déjà passé. 
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Après la visite des ruines incas de Pisac et d'Ollantaytambo, nous quittons le groupe pour nous rendre à l'hôtel El Albergue en mototaxi.  L'hôtel est situé à une vingtaine de minutes de marche de la place centrale, tout près de la voie ferrée où le train pour Machu Picchu passe plusieurs fois par jour.   Les gens sont très gentils et accommodants  mais l'inconvénient est qu'il faut constamment faire la navette entre l'hôtel et le village pour manger, effectuer les visites et les courses.


Ollantaytambo est un charmant village indien situé à 2800 mètres d'altitude.  Il fut un important centre militaire et religieux au temps des Incas.  Les maisons modernes se sont insérées dans le tracé ancien du village inca.  Plusieurs maisons d'aujourd'hui sont construites sur les restes de murs des maisons anciennes.  Tôt le lendemain matin, nous nous rendons aux ruines du site inca.  Quelle différence avec la visite d'hier! Il n'y a que quelques personnes sur le site, ce qui nous permet de visiter à notre aise.  Nous rencontrons un petit garçon de 8 ans, Romulo, qui nous offre ses services comme guide.  A défaut de nous servir de guide, il nous quête des bonbons.  Patricia lui donne une barre de fruits et nous lui expliquons tant bien que mal que c'est meilleur pour la santé. Nous ne sommes pas sûres qu'il soit de notre avis



Nous louons ensuite les services d'un taxi pour faire la tournée de divers sites et villages de la Vallée Sacrée.  A la sortie d'Ollantaytambo, nous longeons le mur aux cent fenêtres, datant de l'époque inca, pour déboucher sur la plaine de la rivière Urubamba.  Notre premier arrêt est aux Salineras de Maras.  Le chauffeur nous dépose au pied de la piste de 2 kilomètres toute en ascension, que nous faisons en une heure; excellente pratique pour le chemin de l'Inca qui nous attend dans quelques jours.  Au début du sentier, nous passons près d'un petit cimetière tout garni de fleurs. 

Les Salineras sont de grands bassins où l'on fait évaporer l'eau très salée qui provient de sources dans la montagne, pour en extraire le sel.  Ces dépôts salins étaient déjà exploités au temps des Incas.  Aujourd'hui, les bassins sont la propriété de diverses familles et se transmettent de père en fils.


Les salineras
Nous nous rendons ensuite à Moray où les Incas pratiquaient la culture en terrasses en forme de cercles concentriques dans des cavités naturelles. La plus grande terrasse a 15 niveaux.  La différence de température entre les terrasses du haut et celles du bas produisait d’intenses microclimats ce qui permettait de varier les cultures.  C’est journée de sorties éducatives pour les écoliers de la région; plusieurs groupes, en compagnie de leur professeur, s’amusent à escalader les terrasses et à faire des rondes ou à jouer sur les murets.

Culture en terrasses à Moray


En route pour Chinchero, nous traversons une vallée aux superbes paysages avec la montagne en arrière-plan.  La région paraît désertique vu la saison sèche mais durant la saison des pluies, on y cultive divers produits dont les patates. Au Pérou, on en cultive jusqu’à 4,000 variétés. Chinchero est une charmante petite ville andéenne perchée à 3800 mètres d’altitude. Ses habitants proviennent de 12 communautés indigènes différentes.  Nous visitons rapidement le site archéologique puis nous encourageons l'économie locale en achetant deux nappes au petit marché du village.

Chinchero


Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons dans un restaurant à Urubamba, pour manger la fameuse petite truite de rivière pour laquelle la région est renommée. La mienne avait sûrement vu de meilleurs jours car elle me rend malade.

De retour à Ollantaytambo, nous préparons nos bagages et allons au lit tôt pour être en forme afin d'affronter notre périple du lendemain sur le Chemin de l'Inca.

vendredi 6 juin 2014

Chemin Inca

Jour 1
Nous quittons Ollantaytambo pour la marche de 4 jours sur le Chemin de l'Inca en compagnie d'Edison notre guide de la compagnie Mayuc, Sergio le cuisinier, Bill un américain et 6 porteurs âgés de 18 à 48 ans.  Pauline a l'air de Tintin au Pérou avec ses pantalons trois-quarts, ses grosses bottes de marche et ses bas de laine.  Nous laissons à l'hôtel des sacs contenant les achats que nous avons faits dans les marchés de Pisac et Chinchero et nous les reprendrons à notre retour.  Nous sommes un peu anxieuses face au défi qui nous attend.  Cependant nous restons positives et notre plan de match est de marcher lentement, à notre rythme, à l'aide des deux bâtons de marche que nous nous sommes procurés au marché d'Ollantaytambo. 


Nous débutons le sentier à Piskachucho au km 82 vers 12h30; nous sommes à 2600 mètres d'altitude.  Aujourd'hui notre trajet est considéré facile en comparaison avec l'ensemble du sentier.  La piste est bordée de cactus, d'arbres de campanules et longe la rivière Urubamba sur une bonne distance.  Les porteurs chargés de leurs lourds fardeaux, car ils transportent équipement de camping, nourriture et bagages, nous dépassent à pas rapides.  Ils sont chaussés de simples sandales et se dépêchent à arriver aux sites de camping afin d'istaller les tentes pour les voyageurs et le guide, la tente cuisine et la tente toilette

Pauline, Bill et Patricia


Nous nous arrêtons face aux ruines d'un poste de services (tambo) qui était utilisé par les Incas pour desservir les voyageurs qui se déplaçaient de Cuzco à Machu Picchu à travers les montagnes.  On retrouve ce genre de poste à chaque 10 à 12 kilomètres.

Après une longue montée, nous nous arrêtons pour admirer la montagne Véronica couronnée de neige et émergeant des nuages.  Nous en profitons pour reprendre notre souffle et reposer nos jambes.  Nous croisons sur la piste des villageois besognant près de leurs maisons et d’autres avec leurs mulets chargés de victuailles achetées au village le plus proche ou à la station de train.


Nous arrivons finalement aux ruines de la forteresse inca Llactapata qui est située dans un endroit stratégique surplombant la vallée.  Après tous les efforts effectués pour gravir ces quelques centaines de mètres, nous nous engageons dans une longue descente qui nous conduit jusqu'à notre site de camping situé dans la cour d'une famille dans le minuscule village Tarayuc.  Le site est très joli et la vue de nos petites tentes ainsi que de nos matelas de sol et sacs de couchage déjà installés nous réjouit.  Près de la tente cuisine, la table est déjà mise et un breuvage chaud ainsi que du pop corn fraîchement préparé nous attend tandis que Sergio, notre cuisinier, s’affaire à préparer le repas du soir.  C'est du camping de luxe !!  Notre souper est servi sous la tente à 18h30 et déjà il fait nuit.  Avant d'aller dormir (il est 19h30), nous observons les milliers d'étoiles et la voie lacté qui ornent le ciel et nous souhaitons bonne nuit aux 5 vaches qui dorment près de nous. Nous avons parcouru 7 km et avons marché durant 3h30.

Forteresse Llactapata

Sergio, notre cuisinier
Jour 2 
L'assistant-cuisinier/serveur de table nous réveille à 6h avec une tasse de maté de coca. Il porte au poignet une large bande élastique bleue qui attachait mes bâtons de marche hier et que j'avais perdue de vue. La feuille de coca, de laquelle on peut extraire la cocaïne, est aussi très riche en calcium et facilite la respiration en haute altitude.

Après avoir dégusté une délicieuse omelette aux tomates et au fromage, nous faisons nos adieux à la petite famille qui nous a accueillis et nous quittons le campement vers 7h30. Nous avons devant nous un trajet de 12 kilomètres avec 1000 mètres de montée (de 2800 à 3800 mètres). En quittant le village, nous passons près d'un flan de montagne entièrement de bromélias.


Nous apercevons ici et là des villages dans la vallée. Il n'y a pas d'électricité et les gens vivent des produits de la terre, surtout des patates, des céréales et du maïs. Ils ont aussi quelques animaux: vaches, cochons, poules, moutons. Nous prenons une pause dans le dernier village le long de la piste, Wayllabamba. Le cuisinier et les porteurs y sont déjà, en train de boire de la chicha, une bière de maïs, ce qui leur donne de l'énergie pour continuer leur route. Patricia fait la brave et en commande un verre. Le guide la met en garde car cette boisson continue de fermenter dans l'estomac et peut rendre malade lorsqu'on n'y est pas habitué.

3 de nos porteurs
Après 4 heures de marche, nous arrivons à notre emplacement du dîner.  Les porteurs ont déjà monté la tente et le cuisinier est à l'oeuvre.  Au menu: soupe aux fèves et légumes, salade de pâtes, tomates et concombres tranchés, guacamole avec pain et biscottes. Assises à table dans la tente cuisine, bien à l'abri du vent, nous faisons cocottes de luxe sur le Chemin de l'Inca.

Après un repos d'une heure et demie, nous reprenons la route.  Patricia et moi sommes les deux tortues du groupe et je suis encore plus tortue qu'elle.  A très haute altitude, nous manquons d'oxygène.  Nous traversons une forêt humide et observons plusieurs fleurs le long de la piste dont la Yurac-llaulli, une fleur rose qui attire les oiseaux mouches. 

Vers 15h00, nous apercevons notre campement situé dans un champ où broutent des alpacas et des lamas à 3800 mètres d'altitude.  La fatigue se fait sentir et plutôt que de contourner les petits tas de crotte, nous marchons dedans. 
Alpacas et lamas
Nous demandons à Edison si nous pouvons utiliser la tente-toilette pour se laver.  Les porteurs sortent la toilette portative et nous apportent des bols d'eau chaude.  Quel luxe car le vent est glacial.  La tente-toilette n'a pas de fond et même s'il faut se balancer sur un pied puis sur l'autre pour éviter de poser les pieds par terre, ce petit lavage à la mitaine est grandement apprécié.

Au menu ce soir: soupe au maïs, poulet en sauce avec légumes, purée de patates et tranches de bananes dans une sauce au chocolat. Miam-Miam! que c’est bon.

A 19h30 nous nous mettons au lit avec chaussettes aux pieds et tuque sur la tête car il fait très froid à cette altitude.

Notre tente-toilette
Jour 3
Notre 3e journée dans le chemin de l'Inca débute sour la pluie et dans la brume. La nuit a été très froide et il n'était pas question que je sorte de mon sac de couchage pour un pipi nocturne.  Seulement Pauline a eu le courage de le faire. 

Ce matin Sergio nous prépare du gruau aux pommes.  Nous en redemandons afin d'avoir le plus d'énergie possible pour la longue et difficile journée qui nous attend.  Nous traverserons 3 cols dont le plus haut, le Dead Woman,  qui a la forme d'une femme couchée, est à 4200 mètres d'altitude. 

Les porteurs dans la montagne
Sur le sentier, à quelques mètres du campement, une multitude d'oiseaux mouches viennent se nourrir dans de jolies petites fleurs rouges et bleues.  À cette altitude il n'y a pas d'arbres mais le sentier est bordé d'herbe à longue tige (ichu) dont les alpacas et les lamas se nourrissent.  Les habitants se servent aussi de cette herbe pour fabriquer le toit des maisons. 


Nous montons lentement vers le col Dead Woman en nous appuyant sur nos bâtons de marche.  Notre respiration devient difficile et nous faisons beaucoup de pauses.  Nous atteignons enfin le col et notre joie est à la hauteur de notre fierté.  La montée de 400 mètres sur des marches souvent faites pour des géants nous a pris 1h45.  Lors de notre approche du col, Edison et Bill voient la silhouette d'un sein et son mamelon, tandis que Pauline et moi voyons la tête de la femme morte, son nez, son cou et ses mains croisées sur son abdomen.  Ceci en dit long sur l'obsession des hommes ...


Puis nous débutons une descente de 600 mètres dans la brume et la pluie, choisissant avec soin chaque marche où poser nos pieds car les roches sont très glissantes. 

Pendant ce temps, les porteurs gambadent sur les roches, toujours pressés de se rendre au prochain point d'arrêt des voyageurs.  Il arrive qu'on les voit appuyés sur un rocher en train de machouiller des feuilles de coca afin de se donner de l'énergie.

Patricia en arrache
Nous approchons du campement Paqaymayu où Sergio et son assistant nous attendent sous la tente-cuisine avec un bon potage aux pommes de terre et des boissons chaudes.  Nous adorons Sergio!!

Après cet arrêt de 30 minutes, nous débutons une montée abrupte vers le 2e col (4000 mètres) par des marches très étroites et inégales.  Dans la montagne, un joueur de flûte agrémente notre marche; c'est probablement un guide accompagnant un autre groupe de randonneurs.  A chaque fois que Pauline voit des fleurs, elle s'arrête pour les admirer et les photographier; j'aime bien ces interludes qui me permettent de me reposer.


Vers 15h00, nous faisons un autre arrêt de 30 minutes.  Sergio nous sert sous la tente, car il pleut toujours, du riz aux légumes et jambon accompagné de patates douces en sauce ainsi qu'une salade de tomates et concombres.  Ce délicieux repas nous donne l'énergie nécessaire pour traverser le 3e col à 3670 mètres.

Un peu après les ruines de Phuyupatamarka, nous arrivons enfin à notre campement à 17h30, après 9 heures de marche, bien fatiguées et toujours sous la pluie.  Ce site est supposé être le plus beau de tous mais il est très difficile de l'apprécier car nous sommes encore dans la brume.  Dans la tente-cuisine, Sergio nous attend avec une bonne soupe et du spaghetti à la sauce aux champignons.  Ce soir les porteurs se joignent à nous sous la tente pour se protéger de la pluie.  Ils sont tous recroquevillés les uns contre les autres et quelques-uns sont même assoupis la tête appuyée sur le dos de leur voisin. Edison nous raconte des histoires d'amour entre des voyageuses et des porteurs.

Notre campement pour la nuit
En retournant à nos tentes Pauline et moi, qui avions loué des sacs de couchage, constatons qu'ils sont tout mouillés.  Les porteurs ne les avaient pas bien protégés de la pluie.  Une nuit très humide nous attend sous notre tente détrempée.  Vers 4h00 du matin, Pauline descend la petite côte vaseuse et glissante menant à la tente-toilette et constate que l'emplacement est vide.  Hier soir, après notre coucher, le guide l'avait fait déménager à un endroit plus propice.  Pauline doit donc partir à la recherche de la toilette à l'aide de sa petite lampe de tête.

Jour 4
À  4h30 du matin, quel courage!!,  nous faisons nos exercices d'étirement dans notre tente, histoire de se mettre en forme pour la longue descente de 1200 mètres qui nous attend aujourd'hui.   À 5h,  réveil officiel avec une tasse de mate de coca que vient nous porter l’assistant de Sergio. Nous nous dirigeons ensuite vers la tente-cuisine où un déjeuner aux crêpes nous attend.   Le jour se lève doucement derrière les montagnes et les nuages qui flottent plus bas dans la vallée se dissipent peu à peu. 


Après quoi, nous remettons les enveloppes, contenant des pourboires pour les porteurs et le cuisinier, que nous avions préparé la veille avec des feuilles de notre journal de voyage. C’est la fête, tout le monde est très joyeux et se prête gentiment à une séance de photos. Nos porteurs viennent tous du village indien Willoc.  Les porteurs mènent une vie très dure  et vivent rarement passé la soixantaine.  Toutefois, une réglementation interdit de leur faire porter une charge de plus de 25 kilos.

Nos porteurs, le cuisinier et le guide
À 6h15,  nous sommes déjà en route.  Le ciel est nuageux mais la pluie a cessé. Peu après notre départ, nous visitons les ruines incas de Phuyupatamarka (la ville au-dessus des nuages -  3600 mètres), un poste de relais pour les voyageurs ainsi qu'un poste de garde.   On sait que les Espagnols ne sont pas venus jusque-là car ils détruisaient tout sur leur passage pour forcer les populations indiennes à s'établir dans les villes et villages autour des églises afin de les convertir.  Le système de canalisation d'eau et les fontaines de  ce site fonctionnent encore aujourd'hui.

Les ruines incas de Phuyupatamarka

Nous descendons, dans la forêt humide et dense,  d'inombrables  escaliers aux marches  inégales et souvent très glissantes. Edison nous dit que du site de camping que nous venons de quitter (3600 mètres) à Winay Wayna  (2700 mètres), il y a environ 3000  marches.  C'est peu réjouissant pour les genoux mais le paysage est un grand festin pour les yeux.  Tout  le long de la piste, nous voyons de nombreuses  fleurs exotiques, des orchidées sauvages et des arbres recouverts de grappes de fleurs jaune vif  (Waranway).

Encore deux heures de descente et nous arrivons au col d'Intipunku, la « Porte du Soleil ». Machu Pichu nous apparaît pour la première fois dans toute sa splendeur, entourée de montagnes de verdure  et de pics enneigés. Plusieurs personnes, montées de Machu Pichu vers ce col,  sont assises sur les terrasses en contemplation, dans un calme et un silence révérentiels.
Nous amorçons ensuite la descente finale vers Machu Pichu située à 2400 mètres d'altitude. Après avoir franchi toutes ces marches, nous avons l'impression de traîner notre corps.

Patricia et Pauline à la Porte du Soleil de Machu Picchu

Machu Picchu

Après notre descente du col d’Intipunku, à la fin du Chemin de l’Inca, nous nous promenons dans Machu Picchu avec notre guide, Edison, pendant une couple d'heures et visitons tous les quartiers de cette ville ancienne tels que les quartiers des paysans, des temples, de la royauté, des notables, des artisans et des fontaines.  On ne peut que s'émerveiller devant l'ingéniosité des Incas et la complexité de ces ouvrages de pierre. Il est impossible de faire une description complète de ce splendide site dans une chronique comme la nôtre, de nombreux ouvrages remplissent très bien cette fonction; mais on peut noter quelques particularités intéressantes.

Machu Picchu


Machu Picchu a été construite sur une carrière de pierre qui a fourni tous les matériaux servant à la construction des bâtiments.  Le site est bordé de terrasses cultivées et d'autres servant de soutien aux murs de la ville laquelle possède une seule porte d'entrée.  Le quartier des fontaines comprend seize petits bassins en gradins, avec des canalisations qui fonctionnent  encore aujourd'hui. Les Incas n'utilisaient pas de mortier dans leurs constructions. Les pierres étaient si bien taillées  qu'elles s'imbriquaient  parfaitement les unes sur les autres.  Sur un tertre, derrière le temple  principal,  une pierre en forme de prisme (Intihuatana - lieu où l'on attache le soleil) aurait servi de cadran solaire et de calendrier pour déterminer le solstice d'été.


Intihuatana
 La visite terminée, Edison et Bill nous quittent et nous rentrons au Machu Picchu Inn à Aguas Calientes où une douche chaude est un baume pour nos muscles endoloris.

Patricia jure que son prochain voyage sera en terrain plat plat plat!

 Le lendemain, nous nous levons à 5h00 afin de retourner visiter Machu Picchu au lever du jour, avant l'arrivée en masse des touristes.  Nous prenons l'autobus de 6h00 à Aguas Calientes et déjà la file est longue à la station d'autobus.  Le calme et la beauté de cette ancienne ville inca, construite en étages aux environs de l'an 1450, nous font oublier nos jambes encore endolories.  Machu Picchu a été construite, habitée et abandonnée (on se sait pas pourquoi) dans l'espace de 100 ans.  Elle fut découverte en 1911 par l'historien américain Hiram Bingham. 

Nous nous imaginons être deux princesses incas faisant leur promenade matinale sur la place publique, après que nos servantes nous aient donné notre bain et nous aient vêtues de nos costumes magnifiques.  Mais aucun porteur à l'horizon pour nous transporter à nos quartiers royaux au haut de la ville où se trouve le temple aux 3 fenêtres desquelles le bleu du ciel se laisse entrevoir.

Dans le quartier des artisans, nous apercevons une petite famille de chinchillas, camouflés dans le feuillage d'une falaise, qui nous observent timidement. Le temps d'une photo et ils disparaissent.



A notre retour à Aguas Calientes, nous nous rendons aux bains d'eaux thermales situés à l'extrémité est de la ville.  En route, nous nous louons chacune un maillot de bain pour 2 soles (0,65$) et nous allons nous prélasser dans les bassins d'eau allant de froide, à modérée, à très chaude. Nos muscles s'en portent mieux maintenant.

Notre petit déjeuner est digéré depuis longtemps et nos estomacs réclament un repas soutenant.  Nous nous rendons au restaurant Inca Wasi (maison des Incas) où nous commandons de la truite apprêtée de diverses façons: farcie aux tomates et oignons, farcie aux asperges, tomates, oignons avec sauce au fromage. Ce repas nous fait oublier la truite douteuse qui nous a été servie à Urubamba et qui a rendu Pauline malade. Un groupe de musiciens ajoute une atmosphère de fête avec leur musique entraînante et leurs chansons mélodieuses.

Les eaux thermales d'Agua Calientes

Restaurant Inca Wasi
Nous quittons l'hôtel Machu Picchu Inn avec nos 2 sacs à dos, accrochés au dos et à l'avant et nous nous rendons à pied à la station de train où nous prenons le train Vistadome pour Cuzco à 15h30.  Comme à tous les après-midi dans cette région, le ciel se couvre et il commence à pleuvoir.  Lorsque le train s'arrête à Ollantaytambo, un employé de l'hôtel El Albergue nous attend sur le quai pour nous remettre les sacs de souvenirs que nous y avions laissés.  Ouf! quel soulagement! Nous étions un peu inquiètes de ne pouvoir les récupérer. 

Le trajet en train, d'une durée de 4 heures, s’écoule rapidement; un animateur costumé danse au son de la musique péruvienne, puis de jolies filles défilent dans des vêtements de haute qualité et de très bon goût.  Malheureusement ils sont au-dessus de nos moyens et nous ne pouvons en acheter.


A notre arrivée à Cuzco, nous prenons un taxi pour nous rendre à l'hôtel  Rumi Punku.  Le chauffeur n'est pas très honnête et il ne remet pas le change exact à Pauline, ce qu'elle ne réalise pas sur le moment car elle n'a pas ses lunettes de lecture et il fait très sombre.
Ceci ne nous empêche pas de nous rendre à nouveau au restaurant A mi Manera pour célébrer le succès de notre marche sur le Chemin de l'Inca.  Le serveur nous reconnaît et nous accueille chaleureusement. Au cours du repas, un groupe de musiciens jouent de la musique péruvienne avec des flûtes de pan, flûtes à bec, guitares, mandolines et percussions, tout en chantant en harmonie.  Nous ne pouvons demander mieux pour un soir de fête.

Notre départ de Cuzco pour Puno est accompagné de quelques mésaventures.  A l’aéroport, la préposée m’informe que mon billet d’avion n’est pas dans mon livret et que je ne peux pas prendre l’avion sans celui-ci.  Nous lui expliquons qu’il a probablement été enlevé par erreur lors d’un précédent vol à l'intérieur du Pérou.  Après quelques hésitations, elle vérifie auprès de la compagnie Lan Peru et effectivement il avait été retiré de mon carnet par erreur à Lima.  Sur réception de la confirmation de la compagnie, je peux enfin prendre l’avion pour Juliaca.

Toujours à l'aéroport, en voulant payer un livre avec un billet de 50 soles, le préposé m’informe que c’est un faux.  J’ai obtenu ce billet en achetant des piles pour ma caméra à Cuzco et en payant avec un billet de 100 soles.  Les vendeurs refilent ces faux billets aux touristes car nous pouvons difficilement voir la différence. J’ai perdu 22$ canadien et j’ai appris comment reconnaître les vrais des faux.

jeudi 5 juin 2014

Lac Titicaca

De Puno, nous partons en excursion sur le Lac Titicaca.  Les bateaux quittent le quai à 7h00 tous les matins.  La plupart des passagers reviennent en fin de journée mais nous avons choisi de passer la nuit à l'Île Taquile et revenir le lendemain.

Les îles flottantes Uros


Nous faisons un premier arrêt aux îles flottantes Uros. Il y a environ 35 îles dans la baie de Puno et elles sont habitées par les Indiens de la communauté Uros.  Ces îles existaient déjà au temps des Incas.  Les habitants sont entrés en contact avec le monde moderne dans les années 1960.  Quelques-unes seulement accueillent des touristes, les autres vivent encore dans le calme, au rythme de la vie des ancêtres.  Un petit nombre de familles habitent sur chaque île.  On retrouve des écoles sur une des îles et les élèves voyagent dans des bateaux de roseaux pour s'y rendre. 

Notre premier arrêt est à l'île Chumi, mot qui veut dire "fleur de roseau" en Quechua.  Accompagné par les explications de notre guide, un habitant de l'île nous démontre comment les îles flottantes sont construites.  Pour débuter, de grandes galettes de racines de roseaux sont attachées ensemble à l'aide de bâtons de bois d'eucalyptus et de cordes.  Quand la grande surface est assemblée, elle est recouverte d'une couche de roseaux tous placés dans le même sens, qu'on laisse sécher environ une semaine.  Une deuxième couche de roseaux est posée dans le sens inverse et laissée à nouveau à sécher.  Cette l'opération est répétée jusqu'à ce que l'île atteigne de 1,5 à 2 mètres d'épaisseur.  La construction dure environ trois mois. 

Île Chumi
Lorsque l'île est terminée, on y déménage les maisons faites aussi de roseaux.  La durée d'une île est d'environ 20 à 25 ans.  Les îles sont ancrées dans les roseaux où l'eau est moins profonde mais elles flottent à l’endroit où l'eau atteind environ 20 mètres de profondeur. Lors de tempêtes sur le Lac Titicaca, il arrive que des îles partent à la dérive car les vents peuvent atteindre de 100 à 125 km à l'heure. Les habitants des îles vivent de la chasse (oiseaux aquatiques), de la pêche et aussi du tourisme.  Les femmes vendent de l'artisanat aux touristes de passage sur leur île.



Pour nous rendre à l'île Waliki, nous montons à bord d'un bateau à rames, entièrement construit de roseaux, appelé Titiboat, et décoré à l'avant et à l'arrière d'une tête de puma. Les habitants de l’île nous accueillent avec leur sourire et l’étalage de leurs travaux d’artisanat qu’ils fabriquent à l’intention des touristes.  

Île Waliki

Nous quittons les îles flottantes par un chenal à travers les roseaux et bientôt le lac Titicaca nous apparaît dans toute sa grandeur. Nous nous dirigeons vers l'Île Taquile ...

Île Taquile

Après deux heures de navigation, nous posons pied à l'Île Taquile, petite île de 1 km de large par 6 km de long et de 264 mètres d'élévation.  Elle est parsemée de terrasses agricoles qui sont délimitées par des murets de pierres.  Le labourage se fait avec une charrue de bois tirée par deux boeufs.   La vie à l'Île Taquile est sereine et paisible; il n'y a pas d'électricité (seulement des panneaux solaires sur le toit des maisons), ni de voiture.  Les habitants parlent le Quechua et parfois un peu d'espagnol.

Île Taquile


Ils portent encore les habits traditionnels: des jupes superposées et très amples ainsi qu'un grand châle noir pour les femmes, un ceinturon et un petit sac tissé ainsi qu'un bonnet à pompons pour les hommes. L'artisanat est très développé sur l'île.  On voit souvent les hommes tricoter des bonnets et les femmes filer de la laine en marchant dans les sentiers.  Les femmes transportent leur bébé dans leur grand châle noir enroulé autour de leur corps. 



Après une visite au centre d'artisanat et à une exposition de photographies, notre guide nous amène au petit restaurant Kolla Su Yo dans une partie très élevée de l'île et nous mangeons une soupe de quinoa et du kingfish fraîchement pêché  du matin.  Il est bien meilleur que celui que j'ai mangé la veille dans un restaurant de Puno.


Patricio, le propriétaire du restaurant, nous conduit à la petite maison primitive qui nous servira de chambre pour la nuit.  Le plancher en terre battue est recouvert partiellement d'un tapis de caoutchouc et les murs en pierre sont tapissés de roseaux.  Il n'y a que deux lits comme mobilier.  L'esthétique et le confort sont au minimum et pour Pauline et moi c'est comparable à certains "guesthouses" du Tibet mais sans la compagnie du groupe pour nous remonter le moral.  Le petit sentier pour se rendre aux toilettes est parsemé de bouteilles vides et de détritus.

Notre logis pour la nuit
 Nous partons explorer l'île par les sentiers en pierres plates et entamons la conversation avec les Taquilénois que nous rencontrons et qui nous répondent timidement.  A deux petits enfants fort sympathiques, nous remettons des foulards, des collants et des crayons.  Silvia a 11 ans et Niels a 6 ans et ils vont à l'école de l'île.



A notre grande surprise tous les restaurants et le centre d'artisanat ferment vers 14h00 soit après le départ des touristes.  Nous pique-niquons sur un rocher face au lac sous le regard espiègle et curieux de jeunes garçons.  A la vue de notre goûter, ils s'approchent et acceptent joyeusement les sucreries que nous leur offrons.  Ils en demandent aussi pour leurs frères et soeurs fictifs ou réels.   La fraîcheur venant, nous retournons à notre mansarde où il ne fait pas beaucoup plus chaud. 


Nous attendons patiemment l'heure du souper afin de nous rendre au petit restaurant avec l'intention d'y flâner le plus longtemps possible. Mais surprise! Le propriétaire vient à notre rencontre avec notre repas sur un plateau et nous dit que nous devons le prendre dans notre chambre car il n'ouvre pas le restaurant le soir.  Nous installons le plateau sur le lit de Pauline et nous mangeons la soupe et l'omelette, assises sur nos lits.  Nous avons l'air de deux pauvres petites orphelines.

N'ayant pas apporté de lecture, car nous pensions passer la soirée avec une famille de l'île, nous nous mettons à jouer au "Petit bonhomme pendu" comme au temps où nous étions écolières.  Puis nous lisons quelques pages de notre guide de voyage.  Soudain à 19h30, nous perdons la lumière car l'électricité fournie par le petit panneau solaire sur le toit est épuisée.  Avec nos petites lampes frontales, nous nous mettons au lit et fredonnons une adaptation de la chanson de Gilles Vigneault "Ah! Que la nuit tarde à passer..."


Cette nuit, Pauline est allée faire pipi dans le clos des poules.